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Imaginez-vous un instant dans un petit village africain, où chaque saison des pluies apporte son lot d’inquiétudes. Les habitants regardent le ciel avec appréhension, se demandant si les digues et les canaux en béton tiendront encore cette année. Cette scène, malheureusement trop familière, se répète partout en Afrique et dans le monde, avec la multiplication des catastrophes naturelles.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon l’African Risk Capacity (ARC), 1 436 événements climatiques majeurs ont frappé le continent entre 2000 et 2023. Derrière ces statistiques se cachent des visages, des histoires, et surtout, un besoin urgent de repenser notre approche.

Maintenant, prenons l’histoire de Bodunrin, chef du village imaginé. Son village luttait depuis des années contre les inondations malgré un imposant canal en béton. « Nous avions l’impression de nous battre contre la nature », raconte-t-il. « Puis nous avons décidé de changer d’approche et de travailler avec elle en misant sur des infrastructures vertes. »

Qu’est ce qu’une infrastructure verte ?

Une infrastructure verte repose sur des solutions naturelles ou imitant la nature pour répondre aux besoins humains tout en respectant l’environnement. Contrairement aux infrastructures grises, centrées sur une fonction spécifique, les infrastructures vertes combinent résilience climatique, durabilité et bénéfices sociaux.

Concrètement, cela donne quoi ?

  1. Face aux inondations
    • Infrastructure grise : Un canal en béton (coût : 1 M€/km, durée de vie : 30-40 ans). Problème : lors de fortes pluies, l’eau déborde, amplifiant les dégâts.
    • Infrastructure verte : Une plaine d’inondation naturelle avec des zones humides (coût : 400 000 €/km). Avantage : l’eau est absorbée comme une éponge et libérée progressivement, stabilisant les sols et limitant les impacts.
  2. Face aux vagues de chaleur
    • Infrastructure grise : Des climatiseurs gourmands en énergie (5 000 kWh/an par unité). Problème : ils aggravent le réchauffement urbain.
    • Infrastructure verte : Des corridors verts avec des arbres qui réduisent naturellement la température de 3 à 5 °C, purifient l’air et créent des espaces communautaires.
  3. Gestion des eaux usées
    • Infrastructure grise : Une station d’épuration (coût initial élevé, consommation d’énergie et produits chimiques).
    • Infrastructure verte : La phytoépuration, un système utilisant des plantes pour filtrer l’eau. Coût réduit de 60 %, fonctionne sans électricité, et favorise la biodiversité.

C’est un peu comme choisir entre :

L’infrastructure grise = Une armure médiévaleL’infrastructure verte = Des vêtements techniques modernes
– Protège efficacement contre les chocs directs
– Très lourde à porter (comme le béton est lourd à installer)
– Impossible à ajuster si votre taille change
– Rouille avec le temps et demande un entretien constant
– Ne sert qu’à une seule chose : la protection
– S’adapte à votre morphologie
– Respirant quand il fait chaud, isolant quand il fait froid
– Peut se réparer facilement
– Plusieurs fonctions : protection, confort, adaptation aux conditions
– S’améliore avec les innovations (comme les écosystèmes évoluent)

Revenons à notre village. Face aux inondations récurrentes, la communauté a pris une décision audacieuse : transformer l’ancien canal en béton en zones humides artificielles. Le résultat ? Une véritable renaissance :

  • Les inondations sont maintenant maîtrisées naturellement
  • L’eau est stockée pour les périodes sèches
  • La biodiversité est revenue
  • Le village est devenu plus frais grâce aux arbres plantés
  • Les sols sont stabilisés, évitant les glissements de terrain

Le plus surprenant ? C’est moins cher qu’on ne le pense !

Contrairement aux idées reçues, opter pour le vert peut faire économiser de l’argent. Une étude de l’Université sud-africaine du Cap Occidental révèle que leurs coûts initiaux peuvent être 20 % à 30 % inférieurs à ceux des infrastructures grises, notamment grâce à l’utilisation de matériaux locaux et naturels. Par ailleurs, selon l’Institut Canadien du Climat, elles permettent une réduction des coûts de maintenance de 30 % à 50 % par rapport aux infrastructures grises, qui nécessitent des réparations fréquentes.

C’est comme comparer deux méthodes d’irrigation :

  • L’approche traditionnelle avec un système de pompage et de canalisations en béton nécessite un investissement important en équipement, une maintenance régulière, des réparations fréquentes et une consommation continue d’énergie pour les pompes.
  • L’approche verte utilisant la collecte des eaux de pluie et des systèmes gravitationnels naturels demande un investissement initial dans l’aménagement du terrain, mais fonctionne ensuite presque sans coût de maintenance, sans besoin d’énergie et s’améliore naturellement avec le temps grâce à la végétation qui se développe et renforce le système.

Dans notre village fictif, la transformation du canal en zones humides artificielles a coûté 350 000 €, soit près de moitié moins que la réhabilitation d’un canal en béton. Résultat :

  • Les inondations sont maîtrisées.
  • L’eau stockée durant la saison des pluies est utilisée pour l’irrigation.
  • La biodiversité a prospéré, attirant des oiseaux et favorisant la revitalisation de l’écosystème.

Le rôle des crédits carbone

Les infrastructures vertes ne se contentent pas d’être moins coûteuses et plus durables. Elles offrent aussi une opportunité unique de générer des crédits carbone.

Mais qu’est-ce qu’un crédit carbone ?

Un crédit carbone est un mécanisme qui permet aux entreprises ou aux pays de compenser leurs émissions de gaz à effet de serre en finançant des projets qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre dans le monde.

En d’autres termes, un crédit carbone est un permis d’émettre un tonne de CO2. Si une entreprise ou un pays émet moins de gaz à effet de serre que prévu, ils peuvent vendre leurs crédits carbone. Inversement, si une entreprise ou un pays émet plus de gaz à effet de serre que prévu, ils doivent acheter des crédits carbone pour compenser.

Et pour notre village ?

Les zones humides artificielles du village capturent environ 1,5 tonne de CO₂ par hectare et par an et génèrent donc des crédits carbone. Ces crédits carbone peuvent être vendus, générant des revenus pour le village tout en renforçant les engagements climatiques globaux.

Travailler avec la nature pour un avenir résilient

L’histoire de Bodunrin et de son village illustre une réalité bien tangible : en misant sur les infrastructures vertes, il est possible de transformer des défis environnementaux en opportunités durables. Contrairement aux infrastructures grises, souvent coûteuses et limitées dans leur utilité, les solutions vertes offrent une résilience accrue, des bénéfices écologiques, et même des avantages économiques, comme la génération de crédits carbone.

Ces infrastructures ne se contentent pas de résoudre des problèmes immédiats ; elles construisent un avenir où les communautés vivent en harmonie avec leur environnement, tout en tirant parti de nouvelles sources de revenus durables.

Pourtant, le potentiel des crédits carbone, souvent méconnu, reste sous-exploité. Ces mécanismes financiers pourraient jouer un rôle clé dans la transformation des villages comme celui de Bodunrin en modèles de durabilité et d’autonomie économique.

Dans un prochain article, le financement de ces infrastructures vertes par le biais du private equity sera étudié.