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Dans nos articles précédents, nous avons exploré le sovereign advisory et les infrastructures vertes. Mais revenons à une question fondamentale : qu’est-ce qu’une infrastructure ?

Le terme infrastructure vient des mots latins infra (en dessous) et structura (construction, structure). Littéralement, il désigne la partie inférieure d’une construction, celle qui en constitue le fondement et supporte l’ensemble de l’édifice.

Appliqué aux sociétés humaines, ce concept prend une dimension différente : les infrastructures englobent tout ce qui soutient le fonctionnement d’une société ou d’une économie.

Historiquement, les infrastructures étaient associées à des équipements physiques : ponts, routes, écoles, etc. Mais il serait réducteur de limiter ce terme aux constructions en béton et en acier. Avec l’évolution technologique, les infrastructures digitales sont devenues tout aussi essentielles que les infrastructures traditionnelles. On distingue ainsi deux grands types d’infrastructures : les traditionnelles et les digitales.

Dans cet article, nous allons explorer ce concept fondamental, souvent invisible mais crucial. Et pour l’illustrer, rien de mieux que l’exemple de notre petit village, où les infrastructures, qu’elles soient traditionnelles ou digitales, transforment la vie quotidienne.

Infrastructures traditionnelles : Les fondamentaux d’une économie moderne

Dans son discours annuel, Bodunrin, le chef du village, annonce un plan ambitieux pour moderniser son village. Il mise d’abord sur les infrastructures traditionnelles, celles qui changent concrètement le quotidien des habitants :

  • Infrastructure de transport : L’équipe dirigeante du village souhaite construire de nouvelles routes pour relier les champs au nord aux ateliers à l’est et au port au sud. Cela facilitera la livraison des productions agricoles, les déplacements des villageois et réduira aussi les pannes de transport, limitant ainsi les coûts de maintenance pour les villageois. Sans ces routes, le développement du village serait ralenti. Plus largement, les infrastructures de transport (routes, ports, etc.) améliorent la circulation des personnes et des marchandises, réduisent les barrières commerciales et boostent les revenus. Une étude de l’IFPRI (2005) montre qu’elles pourraient augmenter les revenus agricoles de 10 %.
  • Infrastructure énergétique : Une nouvelle centrale solaire est prévue, accompagnée de la rénovation d’une partie du réseau électrique. La centrale solaire alimentera les foyers du village, tandis que l’ancienne centrale sera dédiée à la production d’énergie pour les ateliers de l’est et le centre de santé. La rénovation du réseau évitera les coupures de courant et les pertes de puissance, offrant une électricité plus fiable. Cela pourrait permettre aux commerces locaux d’étendre leurs heures d’ouverture et d’augmenter leurs revenus. Plus généralement, les centrales électriques, les lignes de transport et les réseaux de distribution garantissent un approvisionnement stable en électricité, essentiel pour les usages industriels et domestiques.
  • Infrastructures d’assainissement et d’eau : Les maladies liées à l’eau contaminée constituent un problème de santé publique majeur. Chaque année, environ 1,8 milliard de personnes risquent de contracter des maladies comme la diarrhée, le choléra, la dysenterie, la typhoïde ou la poliomyélite en buvant de l’eau non potable. Pour éviter la propagation de ces maladies dans le village, et sachant que le coût des traitements et de l’éradication des épidémies dépasse celui de la prévention, les dirigeants prévoient de construire de nouveaux puits, des toilettes publiques et de transformer l’ancienne décharge en un centre de traitement des eaux et des déchets. Certains déchets pourraient même y être recyclés.
  • Infrastructures sociales : Les infrastructures sociales, bien que difficiles à financer car peu rentables à court terme, améliorent directement la qualité de vie (santé, éducation, logement). Malgré cela, le village construira une nouvelle école et un centre de santé. Chaque année de scolarisation supplémentaire peut augmenter les revenus jusqu’à 12%-13% (Banque Mondiale), et chaque dollar investi dans la santé rapporte 4 à 9 dollars (OMS). Ces projets préparent l’avenir en boostant la productivité et le développement.

Ces infrastructures ne sont pas des options ; elles sont le socle d’un village fonctionnel. Mais Bodunrin comprend que pour préparer l’avenir, il doit aussi miser sur des infrastructures d’un nouveau genre.

Les infrastructures digitales : l’étape suivante

En parallèle, Bodunrin s’attaque au défi digital. Il sait que le futur de son village passe par une meilleure connectivité et l’intégration des technologies.

C’est pour cette raison que le village se penche aussi sur les infrastructures digitales.

  • Réseau de télécommunication : Le village prévoit d’autoriser la construction de nouvelles tours relais pour garantir à tous les habitants un accès à Internet, où qu’ils se trouvent. Cet accès permettra, par exemple, aux producteurs locaux de se tenir informés en temps réel des changements météorologiques, améliorant ainsi leur capacité à anticiper et à adapter leurs activités.
  • Internet des objets : le village veut installer des capteurs dans les jardins publics afin de déterminer automatiquement quand arroser le jardin et la quantité optimale d’eau et d’engrais à utiliser. Cela permettra, par exemple, de mieux gérer l’eau disponible pour les villageois et les entreprises. 
  • Datacenters et e-administration : Le village prévoit de construire un petit datacenter pour stocker localement les données des habitants et proposer des services numérisés, comme la délivrance de documents ou le paiement de taxes. Cela rendra l’administration plus efficace et simplifiera les démarches pour les villageois.

Ces infrastructures ne se contentent pas de compléter les infrastructures traditionnelles. Elles ouvrent la voie à une société plus connectée et efficace.

Convergence

La particularité de l’approche de Bodunrin repose sur la convergence des solutions traditionnelles et digitales pour maximiser leur impact.
En travaillant sur des infrastructures traditionnelles et digitales d’une part, et en les utilisants ensemble d’autre part, le village veut répondre à ses besoins socioéconomiques, tout en se préparant aux défis futurs. Cette stratégie permet de créer un système interconnecté efficace, par exemple :

  • l’éclairage public intelligent : Grâce à des capteurs, les lampadaires s’allument uniquement lorsque nécessaire, réduisant ainsi la consommation d’énergie.
  • l‘optimisation de la logistique agricole : Les camions qui transportent les récoltes utilisent des itinéraires optimisés grâce à des outils GPS connectés, économisant temps et carburant.

Bien sûr, cette convergence n’est pas sans défis. Les investissements initiaux pour de telles infrastructures peuvent être élevés, et leur mise en place nécessite une coordination étroite entre les autorités locales, les entreprises privées et les bailleurs de fonds. La formation des villageois à l’utilisation des outils digitaux est également essentielle.

Mais les bénéfices à long terme sont indéniables : une meilleure qualité de vie, une économie locale plus robuste, et une communauté mieux préparée aux défis du XXIe siècle.

Dans un prochain article, nous aborderons la structuration et les principaux acteurs d’un projet d’infrastructure.